La cacao-culture revêt une importance capitale pour l’économie de la Côte d’Ivoire. Sur le plan macro-économique, la filière cacao fournit environ 40% de recettes d'exportation, et contribue pour 10% à la formation du Produit Intérieur Brut (PIB). Au plan social, ce sont un peu plus 800 000 chefs d'exploitation qui animent l'appareil de production, faisant ainsi vivre environ 6 000 000 de personnes des revenus du cacao. Cependant, même si la culture du cacao contribue depuis de longues années à améliorer les moyens de subsistance des agriculteurs et de certains citadins (transporteurs, commerçants locaux et exportateurs, …), elle a également engendré de sérieux problèmes sociaux et environnementaux comme l’exploitation du travail des enfants dans les plantations, la déforestation et la destruction de la biodiversité qui en découle. Ces problèmes sont difficiles à résoudre en utilisant une réglementation conventionnelle en raison de la faiblesse des institutions étatiques et de la production hautement atomisée et dispersée dans tout le sud du pays (Wehrmeyer et Mulugetta, 2017). Les programmes ajustements structurels qui se sont succédés en Afrique à la fin des années 80 ont bouleversés l’organisation du secteur agricole et accéléré le retrait des États de la fonction de vulgarisation agricole (Rivera, 2000). En Côte d’Ivoire cela s’est traduit par un démantèlement en 1992 des sociétés d’états (SODE2 ) en charge du conseil agricole pour donner naissance en 1993 à l’Agence Nationale d'Appui au Développement Rural (ANADER), une société anonyme à participation minoritaire de l’État au capital social. L'ANADER assure la coordination des services de vulgarisation au niveau national. Il assure cette fonction à travers un réseau de bureaux répartis dans tout le pays et un effectif d'agents et d'agronomes résidant dans les villages et les régions, en charge de la création et du fonctionnement des groupes de producteurs de contact et de la diffusion des innovations concernant les cultures commerciales et les cultures vivrières et l’élevage (Romani, 2003). Toutefois, l’ANADER, ne dispose pas des moyens nécessaires pour couvrir les besoins en conseil de tous les producteurs (Alphonse, 2008). Se désengageant du conseil agricole, l’État laisse donc à une structure semi-publique (l’ANDER) le rôle central dans ce secteur et dans certains cas la place au secteur privé, aux ONG ou aux OP pour mener les actions de conseil. Dans d’autres cas, dans les zones les plus isolées en particulier, on note une absence de structures de conseil en milieu rural (AFDI et al., 2012). Récemment, face à la pression de consommateurs de plus en plus sensibilisés aux problèmes sociaux et environnementaux liés à la production du cacao, le secteur privé porté par l’industrie du chocolat (par exemple, Nestlé, Cargill, Barry Callebaut) affiche une volonté de contribuer au développement d’une cacao-culture durable et plus équitable. En collaboration avec des organismes de certification de production durable, ces industriels développent en Côte d’Ivoire et dans bien d’autres pays producteurs de cacao, des standards privés volontaires censés concilier durabilité sociale et environnementale de la production du cacao. Selon Giovannucci et Ponte (2005), les standards privés peuvent améliorer les performances du développement durable en termes de pratiques environnementales et sociales, même dans les situations où la réglementation étatique est faible. Les premières applications des certifications privées du cacao ont été faites pendant la campagne 2004/2005 pour le Commerce équitable, 2005/2006 pour Rain Forest Alliance et UTZ Certified. Ces certifications ont été introduites par les exportateurs de fèves de cacao (Cargill, ADM, Saco ) dans les coopératives auprès desquelles ils s’approvisionnent, sous la forme de projets pour une production durable (Ivi, 2013) La certification d’une production cacaoyère durable nécessite des changements de pratiques de production ce qui implique de mettre en place un conseil agricole adapté. Mais aujourd’hui encore, la certification dans les coopératives reste dominée par des projets dirigés par des exportateurs (Uribe et Ruf, 2016). C’est en fait la coopérative qui détient la licence de certification pour le compte de ses producteurs. La certification a pour avantage de permettre à la fois aux producteurs et à leur coopérative de vendre un peu plus cher leurs fèves de cacao. La certification permet de créer une incitation financière afin que les producteurs et leur coopérative respectent les cahiers des charges en adoptant des pratiques de production durable (Blackman et Naranjo, 2012). Les certifications durables privées qui font la promotion des pratiques agricoles durables exigent souvent que les agriculteurs adaptent leurs pratiques (Snider et al., 2016). Pour faire face à ces changements, des services de conseil pertinents sont essentiels pour aider les agriculteurs à acquérir de nouvelles connaissances, à comprendre les exigences des normes de certification et changer leur perception des problèmes sociaux et environnementaux liés à la production du cacao (Ingram, 2008; Snider et al., 2016). Cependant, le développement de ces services de conseil nécessite la collaboration de plusieurs acteurs de la filière du cacao certifié (Bitzer et al., 2008; Gabriela et al., 2010). Cette collaboration forme un dispositif de conseil lié à la certification entendu comme un système d’acteurs, où sont pris en compte l’ensemble des acteurs qui interviennent dans la fourniture du conseil et leurs relations (Faure et al., 2011). Cependant, on sait très peu de choses sur ce type dispositif en Côte d’Ivoire. L’objectif de cette étude est de caractériser et analyser les dispositifs de conseil liés à la certification du cacao en Côte d’Ivoire, dispositifs qui relèvent principalement du secteur privé de l’exportation des fèves. Selon Birner et al (2009), au-delà de l’environnement institutionnel et du problème à résoudre, un dispositif de conseil est caractérisé par son mécanisme de gouvernance, c’est-à-dire les règles qui permettent d’en organiser le bon fonctionnement ; ses mécanismes de financement des activités de conseil ; les compétences des acteurs engagés dans la mise en œuvre du conseil (conseillers, organismes de conseil) ; la méthode pour produire le conseil qui est déterminée par sa nature technique ou économique, tactique ou stratégique, et par les modalités d’intervention permettant de gérer la relation entre le conseiller et le producteur. Nous nous appuierons sur ces apports théoriques pour mieux comprendre ces dispositifs de conseil à travers la description de ces différentes composantes (les méthodes, les compétences des prestataires, la gouvernance, et le financement), et les résultats qu’ils ont obtenus. Ces informations seront utiles pour améliorer les dispositifs de conseil liés à la certification du cacao en Côte d’Ivoire.